Du trafic Google aux réponses de l’IA : La nouvelle réalité pour les éditeurs

L’accord entre les éditeurs et Google, du moins de manière implicite, a toujours été clair par le passé : Google est autorisé à capturer du contenu et à en utiliser des extraits dans son propre moteur de recherche. En échange, les éditeurs reçoivent des visiteurs via Google si l’aperçu est suffisamment attractif pour inciter les utilisateurs à cliquer.

Google a déjà tenté par le passé de faire pencher cet accord en sa faveur. Que ce soit via les Direct Answers, qui permettaient de fournir des réponses définitives directement dans les SERPs (par exemple pour les résultats sportifs ou l’heure dans le monde), les recherches verticales comme la recherche de vidéos ( où une grande partie du trafic reste dans l’écosystème Google) ou encore le déploiement massif des intégrations du Knowledge Graph.

Ces évolutions ont entraîné une baisse du taux de clics (CTR) vers les sites présents dans les SERPs. Toutefois, comme le volume global des recherches continuait d’augmenter, publier du contenu en ligne gratuitement restait rentable pour la majorité des éditeurs.

Mais avec le déploiement des AI Overviews (AIO) en Europe, et surtout avec le nouveau mode IA récemment lancé aux États-Unis, cette équation pourrait bien changer en profondeur.

Pour la première fois, Google dispose désormais de la capacité technique de réduire massivement le trafic vers les sites web externes. Et je suis convaincu qu’ils saisiront cette opportunité.

De manière abstraite, une grande partie du succès d’Internet repose sur l’élimination des intermédiaires. Le web a supprimé de nombreuses couches d’intermédiaires pour les biens, les services ou l’information, permettant un contact plus direct entre la source et la destination. Grâce à l’IA, de nombreux éditeurs se retrouvent désormais dans la même position : bon nombre des étapes qu’ils réalisaient auparavant peuvent désormais être prises en charge par l’intelligence artificielle.

Il n’est donc pas surprenant que Google conclue des accords avec des sources d’information originales comme Reddit, tout en se montrant très réticent à en signer avec les éditeurs. Cela permet à Google d’avoir un accès direct à une immense quantité de contenu généré par les utilisateurs, reflétant des expériences humaines, des opinions et des discussions actuelles. C’est à dire une véritable mine d’or de données pour entraîner et alimenter son IA.

À l’inverse, les éditeurs traditionnels pourraient être de plus en plus perçus par Google comme une couche intermédiaire dans le traitement de l’information, que l’intelligence artificielle pourrait potentiellement contourner.

Au final, les éditeurs se retrouveront face à un classique dilemme du prisonnier en théorie des jeux : en cherchant à optimiser leurs propres intérêts, c’est l’ensemble du secteur qui y perdra (et Google qui gagnera).

Concrètement, cela pourrait se traduire par des éditeurs individuels tentant de conclure des accords exclusifs avec Google pour l’accès à leurs données, ce qui renforcerait leur position à court terme, mais affaiblirait le pouvoir de négociation collectif de l’ensemble de l’industrie. D’autres pourraient être tentés d’optimiser leur contenu de manière encore plus agressive pour l’IA ou de le placer derrière des paywalls plus stricts. Mais cela ne ferait qu’encourager Google à produire ses propres résumés et à valoriser davantage les sources encore accessibles librement… au détriment de tous ceux qui comptaient sur un accès ouvert à l’information.

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